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Le paradoxe du statut social du chef de petite entreprise

Un nouvel article d’ETIK’A

 

L’Etat et les collectivités locales ne sont pas créateurs de valeur, ils encaissent des recettes fiscales (impôts des contribuables, entreprises comme salariés et des taxes) ainsi que des recettes non fiscales (principalement les revenus du patrimoine de l’État, les revenus de l’activité industrielle et commerciale de l’État, les rémunérations des services rendus, redevance audiovisuelle par exemple) et les emprunts contractés par l’État. Ces recettes sont réinvesties dans des dépenses publiques de toutes natures, des subventions et le paiement des fonctionnaires. Les ménages sont par essence des consommateurs. Les institutions financières collectent des fonds du public et ont pour rôle essentiel de distribuer des crédits.

 

L’entreprise a pour fonction principale la production de biens et de services marchands. Dès lors il n’y a pas besoin d’être féru en économie pour comprendre que le seul agent économique créateur de valeur, de richesse dans notre société est l’entreprise non financière. En effet, une entreprise crée de la valeur en combinant le facteur travail (salariés) et le facteur capital (machine, finance). Nombre de mesures sont prises par les pouvoirs publics pour favoriser l’émergence, le soutien et le développement des entreprises. Cet article d’ETIK’A ne pas va traiter de ce vaste sujet mais juste poser la question de savoir pourquoi le chef d’entreprise de petite entreprise* est si mal mené par la législation française alors que l’avenir économique du pays repose sur lui. L’objet de cet article est de dénoncer les pratiques actuelles, celles qui se profilent et de montrer qu’en pratiquant autrement on pourrait obtenir de meilleurs résultats. C’est du moins ce que pense ETIK’A.

 

Qu’est-ce qu’un chef de petite entreprise ? C’est un citoyen qui a pris l’initiative d’investir son temps et son argent personnel en vue de créer ou reprendre une activité économique génératrice de profits. Il ne faut pas le confondre avec un dirigeant d’entreprise qui est à la tête d’une société sans y avoir investi son argent, nommé par les organes délibérant (l’assemblée des actionnaires puis le Conseil d’administration). La position d’un dirigeant est plus celle d’un pilote de formue 1 qui est recruté par une écurie pour piloter un bolide en raison de ses compétences spécifiques et particulièrement proposer et conduire une stratégie d’entreprise (souvent avec l’aide de conseils extérieurs). Parfois c’est le bolide lui même qui est défaillant parfois c’est le pilote. On peut lire dans la presse les scandales qui sont relayés au sujet des « golden hello » et surtout des « golden parachutes ». Je vous rassure, au delà de certaines affaires scandaleuse qui sont médiatisées, toutes les grosses sociétés ne pratiquent pas ces méthodes. Refermons là la parenthèse pour en revenir à notre chef de petite entreprise. Il est très souvent perçu par les salariés comme un « patron » qui s’en met plein les poches sur le dos de ses employés et par l’administration fiscale comme un fraudeur sur lequel il faut tirer à boulets rouges.

 

Mais est-ce vraiment cela le chef d’entreprise de petite entreprise (PE) ? (Entreprises qui constituent l’essentiel de notre tissu économique français).

 

Un chef d’entreprise de PE c’est un homme ou une femme orchestre qui n’a pas assez de temps pour accomplir toutes les tâches que nécessitent le développement de son entreprise, réfléchir sur sa stratégie, rechercher des nouveaux clients et marchés, des financements, gérer la trésorerie, recruter des nouveaux collaborateurs, gérer le personnel, entreprendre des actions de marketing et de communication. A moins de 50 salariés, le plus souvent entre 10 ou 20, il n’a pas un DAF, un DRH, un Directeur Marketing etc.… Souvent le chef d’entreprise de PE en phase d’amorçage, de restructuration ou en cas de difficultés financières est le seul à travailler entre 70 et 100 heures par semaine et c’est normal et à ne pas se payer pour tenter de faire démarrer ou survivre son entreprise. Alors quand enfin il y arrive à se rémunérer convenablement au prix d’efforts et de sacrifices, on le fustige !

 

Mais pourtant qu’est – ce que les différentes parties prenantes attendent d’un chef d’entreprise de PE ?

 

1/ Les demandeurs d’emploi : qu’il recrute afin d’avoir un salaire pour face a leurs dépenses courantes de vie et de logement ;

2/ Les salariés : qu’il développe l’entreprise pour maintenir les emplois et augmenter les rémunérations :

3/ Le fisc :

- que l’entreprise fasse des bénéfices pour payer des impôts et taxes pour alimenter les caisses de l’état et des collectivités territoriales ;

- qu’il embauche (exemple la déduction des réductions d'impôt pour souscription au capital des PME est subordonnée au fait que la société doit employer au moins deux salariés à la clôture du premier exercice suivant celui de la souscription).

- qu’il développe l’entreprise d’ou par exemple le CICE (qui a pour objet de financer les dépenses d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique ou énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement.). Mais comment traite t-on les grandes entreprises bénéficiaires qui engrangent du CICE et licencient derrière ? C’est une autre question ;

- qu’il paye des employés pour que ces derniers consomment et contribuent par leur impôt sur le revenu à alimenter les caisses de l’Etat et des collectivités locales.

4 /Les organismes sociaux, que les chefs d’entreprise cotisent ainsi que leurs salariés pour alimenter les différents régimes sociaux (maladie, maternité, retraites etc.) ;

5/ Pôle emploi : qu’ils recrutent des personnes plus ou moins éloignées de l’emploi, des apprentis !

 

Quand on regarde cette description basique du cercle de l’économie on comprend bien que sans les chefs d’entreprises point de salut, l’économie va dans le mur et la pauvreté grandissante. Tout le monde attend après les chefs d’entreprises !

 

Alors pourquoi pénaliser le chef d’entreprise en l'empêchant d’arbitrer entre la rémunération de ses fonctions de chef d’entreprise et la rémunération de son capital investi c’est à dire les dividendes ? Que fait-il de répréhensible à part créer de la richesse et de l’emploi ?

 

Rappel :

La rémunération du chef d’entreprise de PE qui détient une partie du capital en tant qu’associé est de deux ordres :

- la rémunération de son mandat social pour laquelle il n’a pas la qualité de salarié (pas de cotisation aux Assedic)

- la rémunération de son capital investi par le versement de dividendes si l’entreprise en a les moyens. Les dividendes sont imposables dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers mais sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, après application d'un abattement de 40 % auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux CSG, CRDS, prélèvement social, contribution additionnelle et prélèvement de solidarité (soit au total 15,5 %). On ne peut pas dire que les dividendes ne sont pas taxés.

 

La rémunération du chef d’entreprise de PE (comme celle du dirigeant d’ailleurs) n’est pas soumise aux cotisations Assedic car il n’est pas salarié, il est seulement assimilé salarié. C’est le cas des gérants minoritaires et égalitaires de SARL et des Présidents de SAS et de SA. Les gérants majoritaires de Sarl sont quant à eux affilés au RSI (régime social des indépendants) des travailleurs non salariés non agricoles (TNS).

 

Bien qu’il ne soit pas salarié au titre son mandat social on veut faire payer au chef d’entreprise de PE des cotisations sociales sur les dividendes qu’il reçoit, identiques à celles perçues sur les salaires (c’est déjà le cas depuis 2013 des dividendes versés aux gérants majoritaires de SARL qui sont soumis aux charges sociales, c’est à dire au RSI, dès lors que le montant du dividende annuel excède 10% du capital social de la société.). Alors pourquoi investir en capital pour que toutes les rémunérations (mandat social et dividendes) soient assujettis aux mêmes cotisations sociales des salariés sans en avoir un atout majeur, la protection en cas de chômage !

 

Soit on est chef d’entreprise avec les inconvénients que cela engendre (pas de sécurité en cas de perte d’emploi) soit on est salarié de son entreprise avec tous les avantages que cela procure y compris la couverture en cas de chômage. Pour bénéficier du statut salarié et cotiser aux Assedic, il faut que le chef d’entreprise soit titulaire, en sus de son mandat social, d’un contrat de travail pour des fonctions techniques. Mais dans les entreprises ou le chef d’entreprise est majoritaire ou entreprend seul, il ne peut y avoir de contrat de travail distinct du mandat social car il n’y a à l’évidence pas de lien de subordination.

 

Pourquoi le dirigeant de PE (actuellement le gérant majoritaire de SARL) est t-il soumis aux charges sociales sur les revenus de capitaux mobiliers ? Pourquoi tous les autres revenus de capitaux mobiliers sont-ils taxés selon des règles différentes ?

De quel droit d’ailleurs les pouvoirs publics s’immiscent t - ils dans la gestion de l’entreprise privée pour juger quelle est la bonne répartition à pratiquer entre rémunération de mandataire et dividendes en créant des cotisations sociales de salarié sur la rémunération du capital investi au delà de 10 % du capital et qui plus est toujours, sans cotisation aux Assedic ?

 

Si l’on veut vraiment encourager l’entreprenariat, créateur de richesse et d’emplois commençons peut être par revoir le statut social du chef d’entreprise. Car comme tout à chacun le chef d’entreprise doit pour vivre être rémunéré et comme il ne relève pas du régime des Assedic, il doit essayer d’assumer ses arrières, si toutefois les résultats de l’entreprise le lui permettent. Logiquement soit le chef d’entreprise devrait être assimilé totalement aux salariés et cotiser aux Assedic, soit il ne l’est pas, comme c’est le cas actuellement, ne cotise pas aux Assedic et dès lors on comprend mal pourquoi les dividendes sont taxés comme des rémunérations de salariés, mais bien entendu toujours sans cotisation aux Assedic.

 

 

Les pouvoirs publics encouragent l’entrepreneuriat en allouant des primes aux chômeurs créateurs d’entreprise indemnisés par Pôle emploi ou titulaires du RSA via les dispositifs NACRE et participent aux investissements des créateurs d’entreprise via des associations reconnues d’utilité publique qui distribuent des prêts . C’est très bien, toutefois si les entreprises ne sont pas pérennes on retourne à la case départ avec des chefs d’entreprise qui seront chômeurs mais non indemnisés cette fois car ils ne cotisent pas à l’Assedic. A ce propos les chômeurs indemnisés créateurs d’entreprise bénéficient de l’ACCRE qui permet une exonération de charges sociales (pas toutes) la première année sur leur rémunération. Mais dans la réalité quasiment aucun porteur de projet ne se rémunère la première année. Ce qui fait que ce dispositif est inopérant car quand le créateur d’entreprise arrive en deuxième année, qu’il doit impérativement se rémunérer car il ne touche plus l’ARE, il doit payer toutes les charges sociales, ce qui explique en partie que nombre de sociétés disparaissent très vite.

 

La bonne santé d’une entreprise passe avant tout par celle du chef d’entreprise. Alors pourquoi ne pas lui permettre de choisir son statut social librement, soit :

 

1/ le régime salarié et non pas assimilé salarié, dans ce cas il cotiserait à l’ Assedic ce qui peut justifier qu’il paye des cotisations sociales sur les dividendes car en contrepartie il dispose alors d’un parachute si son entreprise ne peut plus le rémunérer ;

2/ le régime non salarié (TNS) qui relève de l’article 62 du CGI et dans ce cas le chef d’entreprise de PE ne bénéficie d’aucun parachute en cas de chômage, il n’y a alors aucune légitimité à soumettre les dividendes qu’il perçoit aux charges sociales au même titre que les salaires.

 

En effet, certains chefs d’entreprises choisissent délibérément d’être au régime des TNS dont le taux de cotisations est de 10 points de moins que le régime assimilé salarié mais moyennant une couverture sociale et retraite moindre. Leur rémunération étant suffisante, ils peuvent souscrire un contrat Madelin en sus pour assurer leur retraite. Ils prennent leurs risques jusqu’au bout.

 

La rémunération en dividendes n’est pas déductible des résultats sociaux donc ce que la dirigeant ne paye pas en impôt sur le revenu la société le paye en impôt sur le résultat. Le fisc n’est pas lésé dans cette opération. Les régimes sociaux sont déficitaires ? Est-ce la faute du chef d’entreprise qui cotise et crée des emplois ? Non, mais comme il est le seul créateur de valeur on fait peser sur lui plus de cotisations sociales que de raison.

 http://www.etika-avocat.com/accueil.xhtm

Pourquoi le salarié qui ne prend pas de risque et ne crée pas d’emploi est-il mieux traité que le chef d’entreprise ? Même en cas de licenciement pour faute lourde (avérée devant les tribunaux) le salarié est indemnisé par Pôle emploi pendant 24 mois. Le preneur de risques qui a crée des emplois ou est susceptible d’en créer, de recruter des apprentis du niveau CAP à BAC + 5 est moins bien traité que le salarié qui a eu un comportement répréhensible dans son entreprise . Est-ce équitable ? Où est la logique ?

 

ETIK’A est respectueuse du droit mais s’insurge néanmoins contre cette disposition qui consiste à assujettir les dividendes aux charges sociales salariales, qui n’a pour l’instant été instituée que pour les gérants majoritaires de SARL mais on voit les différentes tentatives pour l’appliquer aussi aux dirigeants de SAS (amendement N° 876 en complément de l’article 12 de la Loi pour le Financement de la Sécurité sociale pour 2015-retiré). Aux prix de divers lobbyings cette tentative a été repoussée cette année. Mais pour combien de temps ? Et on ne reviendra probablement pas sur l’application de ce dispositif aux gérants majoritaires de SARL.

 

ETIK’A rappelle qu’il y a un suicide tous les deux jours de petits patrons (Etude Inserm) selon d’autres sources deux par jour (Observatoire Amarok). Quelle est la principale cause ? L’impossibilité d’une entreprise de faire face à ses dettes et la honte du chef d’entreprise face à sa famille car il n’a plus de moyens de subsistance et que souvent il a engagé ses biens personnels. Il ne lui reste plus rien. Dans la plus part des cas, le chef d’entreprise n’a pas commis de faute de gestion, il a dû faire face à des pertes de marchés, des impayés de clients eux même en difficultés, des ruptures technologiques etc.… Ne serait-il pas préférable si l’entreprise n’est plus viable de l’envoyer au tapis et de permette au chef d’entreprise qui n’est pas loin du « burn out » après avoir du gérer une telle situation de se refaire une santé en touchant l'ARE en attendant de rebondir. Une fois encore, pourquoi les salariés sont – ils mieux traités que les chefs d’entreprises ?

 

ETIK’A rêve ? Certes mais c’est en proposant que l’on avance. Il ne faut pas perdre de vue que derrière chaque homme ou femme chef d’entreprise, il y a un vrai créateur de valeur !

 

Le blog ÇaMeTaxe ! d’ETIK’A n’a pas pour seule vocation de fournir des informations juridiques, fiscales, sociales et en droit des affaires mais d’exprimer l’inquiétude et le mécontentement des chefs d’entreprises face à la pression fiscale grandissante, l’insécurité liée à une fiscalité sur laquelle on ne peut plus tabler pour prendre des décisions de gestion depuis que les lois fiscales nouvelles sont devenues rétroactives, une législation sociale mille - feuille qui alourdit le fonctionnement de la PE.

Vos réactions, coups de gueule, témoignages, suggestions sont les bienvenus sur le blog ÇaMeTaxe ! Ils peuvent être remontés par ETIK’A grâce à ses réseaux aux sous - préfets, sénateurs et députés maires du territoire pour tenter de faire avancer tous ensemble la législation en vue de favoriser le développement de notre passion commune et salutaire pour notre pays : l’Entreprise ! http://www.etika-avocat.com/accueil.xhtm

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* La catégorie des petites entreprises est définie comme celles dont l'effectif est inférieur à 50 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'euros.

 

 


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